L´enseigne d´une boutique vieillote tout en-bas de la rue d´Hautpoul porte le titre „La chance électrique“, et en dessous, sur le volet roulant, il y a un tag couleur kaki disant, si on regarde bien, „Horloger“, avec, entre les lettres, deux reveils-matin blancs ironiquement déformés comme les montres de Dalí.
J´y suis passée avec Martin, mon voisin, il me dit que cet horloger „a la spécialité de réparer toutes sortes de montres.“ Mais la boutique est fermée, c´est un peu une fatalité avec Martin, on est le 17 et l´horloger ne travaille qu´aux dates pairs.
Le 18 j´ai pu entrer, c´est un espace grand et haut, la vitre de la devanture éclaire très bien un intérieur qui n´a certainement pas été rénové ces dernières 50 années. Il serait difficile, avec tous ces murs encombrés d´horloges ou d´étagères avec du matériel dans des boîtes.
Il y a aussi une immense table de travail carrée au milieu qui prend pratiquement toute la place. La surface est parsemée de montres dans des petits plastics, la plupart sans bracelets, d´autre montres sont suspendues à des petits rayonnages en métal qui séparent trois lieux de travail.
Le maître est en conversation avec les clients, un monsieur grand d´environ 70 ans, élégant, avec une tignasse blanche et de grands yeux couleur noisette vivaces. Il est loquace et apparemment les gens viennent aussi pour parler avec lui, parler montres. Dans un coin entre table et mur est assis un employé, brun, beaucoup plus jeune, qui ne dit rien mais suit la conversation en souriant de temps en temps. Le jeune couple laisse son chronomètre à réparer, le maître leur propose de donner un numéro pour qu´il envoye un sms quand il sera prêt.
Devant moi il y a un autre client, un jeune averti, capable de discuter de montres avec pedigrée avec le patron. Il me demande: „Madame …“
Mais je dis que je peux attendre, puisque j´ai aussi une question un peu compliquée. „Cela m´amuse de vous regarder“, je dis.
„Oh, on donne un spectacle, on aime ça!“, fait le maître. „Dernièrement je suis passé à La Villette près du hall, à deux heures du matin il y avait plein de jeunes qui dansaient. C´était sympa …“
L´averti sort une deuxiéme montre de son sac, c´est paraît-il une Breitling „des années 70“, il n´est pas sûr si elle est vraie ou fausse, de toute façon elle ne marche plus.
Le maître ouvre le boîtier „Ah vous savez, à cette époque ils ont mis le moteur dans du plastic – ça prouve qu´elle est authentique – mais tout est collé ensemble, pas facile de réparer ça …“ Apparemment c´est justement la difficulté qui intéresse dans cette boutique.
„Est-ce que notre spectacle vous plaît?“, me demande le jeune averti en rougissant un peu.
J´en profite pour demander, si on peut ajuster ma montre Omega des années 60, que j´ai eue en héritage de ma tante. J´avais déjà résigné de l´avoir réparée parce que le service de marque me coûterait 900 Euros.
„Ah, une automatique …“ Le maître horloger est optimiste: „Si elle marche, mais trop vite, c´est bon signe. Apportez-la, mais seulement ´on even days´ …“