Livres et interventions

Colloque Traductions en archipel de Venise

C´était une bonne idée de Jeanne Jegousseau de lancer une discussion élargie aux chercheurs et aux traductrices des différentes langues, avec le but de délimiter (pour ne pas dire définir) les notions et concepts chez Edouard Glissant.
A mon entendement cela ne concerne pas seulement les essais, les esthétiques et poétiques de Glissant, mais aussi par exemple les mots récurrents dans toute son oeuvre.
Jeanne avait lancé le défi, comment il serait possible d´une part de toujours traduire un mot de la même façon pour reproduire la pensée de Glissant dans sa logique intérieure,quand Glissant les utilise d´autre part avec des nuances et des acceptions qui peuvent changer. En l´occurence elle avait mis en relief le terme de „dépassement“ qui serait basé sur le concept hégéliende „Aufhebung“ en allemand. Jeanne avait aussi donné l´autre signification du mot, notamment de „conserver quelque chose“.
Sauf que … Premièrement, il y a toujours les problèmes des traductions de l´allemand vers le français de textes de grande envergure, mais faites avant la deuxième guerre, où la pratique de la traduction était souvent inconsistante – &cela est vrai pour les oeuvres de Marx, de Freud, de Büchner etc.
Pour moi, „Aufhebung“ en allemand aurait plutôt le sens de „suspension“ que de dépassement, par exemple quand une barrière est suspendue – tandisque je traduirais dépassement plutôt par „Überschreitung“, dans le sens de dépasser une limite, passer par une frontière, ce qui implique une continuation et même un commencement.
J´entends „dépassement“ chez Glissant comme étant un terme de l´ouverture – et non de suppression, signification qu´on peut trouver quand on cherche aujourd´huidans un dictionnaire le mot français pour Aufhebung.
Comme j´ai déjà souligné dans mon intervention à Venise, je tâche toujours à traduire les mots récurrents et les mots-clés dans les textes de Glissant par le même mot en allemand, pour garder la structure sémantique et la texture de l´original dans l´oeuvre traduite. Mais comme les langues ne sont pas superposables, pas congruentes dans leurs sémantiques, ce n´est pas toujours possible. Elena Pessini m´a rappelé à Venise que dans mon intervention de Porto en 1990, au sujet de mes traductions de Glissant vers l´allemand, j´avais déjà donné l´exemple de „l´éclat“. C´est un des mots-clés dans La case du commandeur, apte à couvrir un large champ sémantique en français, mais qui dans les autres langues, comme l´italien ou l´allemand, demande une traduction diverse selon les nuances et le contexte.
Restons dans la traduction d´un terme comme „dépassement“, dont la consistance est incontournable dans les traductions des essais de Glissant – et qui peut être changeant dans les entendements et les utilisations chez l´auteur lui-même.
C´est le cas de parler d´une traduction en archipel – si l´on s´imagine les différentes acceptions d´une notion dans une même langue comme îles avoisinantes.
Par exemple en allemand, venant du terme hégélien de „Aufhebung“ on peut passer, à la nage ou à la rame, au terme de „Überschreitung“. Je l´avais aussi fait pour la traduction en allemand de la notion du„Tout-Monde“: J´avais d´abord choisi „Ganze-Welt“ et depuis je reste sur„All-Welt.“ Naturellement c´est essentiel que ce passage soit expliqué par la traductrice, qu´elle choisisse consciemment et puisse donner ses arguments.
Mon intervention au Colloque Glissant à Cerisy en 2022 était d´ailleurs focussée sur ces questions des „termes“ glissantiens et de leur traduction en allemand, où les mots choisisdoivent trouver une place dans la sphère philosophique allemand, doivent „tenir la route“, et, s´il se trouve, imposer leur logique dans l´espace de la pensée actuelle sur les questions philosophiques, poétiques et littéraires dans cette langue (voir le texte dans la rubrique „Actualités“ sur mon site www.beatethill.eu).

Naturellement, je suis tout à fait d´accord de s´imaginer aussi les traductions d´une langue vers l´autre par la métaphore de l´archipel!

Beate Thill

 

Une bibliothèque en archipel

La bibliothèque d´un intellectuel allemand des années 1920 qui était le descendant d´une grande famille de banquiers à Hambourg, du nom de Aby Warburg, consistait de livres et écrits rares, &excentriques, au sujet de l´histoire des sciences culturelles et humaines. Il les avait rassemblés pendant trois décennies et la collection comptait 45 000 volumes. Pour cette bibliothèque il avait choisi un principe d´ordonnance très intéressant et en somme archipélique, qu´il appelait „un système de bon voisinage.“

 

www.universalis.fr/encyclopedie/aby-warburg/3-une-bibliotheque-cosmos/

 

 

 

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